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Pion

Posté le 17/11/2004 par Corvis

Type : FunCard

Classement : Argent

Quelques tables envahies de paperasses scolaires supportaient difficilement le poids des coudes affalés. Quelques rayons de soleil percaient le plexiglass des parois translucides et coulissantes (des fenêtres, quoi). Quelques sacs nonchalemment déposés aux pieds robustes des chaises souffraient des coups de godasses de joueurs mécontents. Dans un coin sombre, un binoclard à lunettes révisait ses leçons avec avidité. Le posterieur posé sur un radiateur, deux tourtereaux se léchouillaient la glotte avec conviction. L'après-midi lycéenne, dans sa calme détermination de loir sous prozac, passait tant bien que mal. Dans les couloirs, quelques zomb... écoliers déambulaient en essuyant le sol, passant à côté des éternels glandeurs prostrés à la base du mur sans leur accorder un autre regard que celui du teckel presbyte. Dans la salle de permanence, donc, fusaient pourtant d'étranges psalmodies, éructées avec vigueur par de jeunes boutonneux aux dents d'acier : "j'attaque avec ma 5/5 vol, piétinement ! Je la détruis ! En réponse je la sacrifie et je t'inflige 5 points de dégats..." Une mélopée sempiternelle que, bien qu'ils y soient habitués, les quidams normaux qui vaquaient dans la salle voyaient d'un oeil. Et oui, voyaient d'un oeil... Assis aux côtés de ces pubères athlètes de la main droite au doigtée somme toute flagrant, se tenaient deux individus de la même espèce, qui semblaient dessiner avec entrain une de ces reliques plates en carton qui semblaient servir au rituel voisin. Visiblement affairés et suant, ils restaient concentrés sur leur travail, sans nul doute, d'après leurs mines anxieuses, concernés par un danger imminent qu'ils étaient les seuls à connaître.
"Dépèche-toi de la finir, merde, on joue avec le feu, là.
_ Ouais ben je fais ce que je peux, t'es marrant, toi...
_ Et ben tu ferais mieux de pouvoir vachement mieux, parce que si il débarque, tout ce que tu pourras faire c'est prier...
_ Je le savais que c'était dangereux, on aurait jamais du tenter ce qui est prohibé... Et les autres à côté, qui jouent en toute innocence... Putain, avec leur cris de Pokemon enrhumés il vont l'attirer jusqu'ici...
_ Calme toi, calme toi ai confiance, on y arrivera... La révolution mon pote, la révolution c'est nous qui la mènerons...On sera des héros..."
À leur gauche, la bataille verbale faisait rage, avec moultes (ce n'est pas sale) noms d'oiseaux et proverbes fruités, tant et si bien que le bruit déconcentra les deux artistes et leur fit lever le nez de leur oeuvre. C'est à ce moment qu'il s'apperçurent que le jeune studieux aux verres en tessons de bouteilles avait disparu...Leur sang ne fit qu'un tour (un et demi à la rigueur)... Dès leur arrivée dans la salle, ils avaient remarqué le physique typique du traître veule et revanchard de ce solitaire aux yeux de fouine.
"Il est allé l'avertir... Je suis sîr qu'il est allé l'avertir...
_ Arrête ne pense pas à ça ! S'il nous découvre, on est tous mort, eux en premier. D'ailleurs ça sera pas un mal, ils braillent comme des veaux castrés, on dirait..."
Il s'arrêta net. Un rugissement lointain venait de secouer le sol carrelé. Les batailleurs cessèrent le combat. Les deux tourteaux se décollèrent avec un bruit de bouchon. Le regard des deux créateurs se figea instentanément et se tordit de douleur dans le silence le plus total. On aurait pu entendre une mouche péter.D'ailleurs une mouche péta. Puis de lourds pas ébranlèrent en cadence les murs de plâtre, qui s'effritaient frénétiquement dans un rythme anarchique et absolument terrifiant. Le cri qui attendait dans la gorge de la fille (il y a toujours un cri qui attend dans la gorge de la fille) pu enfin prendre le départ.
"C'est pas vrai, c'est pas possible, hurla un des deux amis, couvert par l'alarme de sous-marin feminin, faut qu'on se casse, faut qu'on se casse d'ici !
_ Et par où ? Ils ont cellé les vitres et y'a qu'une porte ! Tu veux qu'on défonce le mur à coup de règles ?"
Les pas se rapprochèrent. Le plafond trembla.
"_ Ca peut pas finir comme ça, ça peut pas finir comme ça !
Ca finira pas comme ça ! On va se battre, Kevin, se battre jusqu'à la mort !"
Les pas s'arrêtèrent devant la porte d'entrée, close comme la bouche d'un corse dans un commissariat. Un hurlement terrifiant, mélange de moteur de tracteur en rut et de la toux aqueuse d'un T-rex, se fit entendre, et résonna dans leur crâne jusqu'à leur en vriller la cervelle. Et c'est alors que Le Pion entra dans la salle...


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