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kakkhara

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Envoyé par kakkhara le Mercredi 11 Décembre 2019 à 01:35


Une autre fournée de livres, classés par ordre chronologique des parutions originales :

Blonde (Joyce Carol Oates, 2000)

Norma Jeane Baker ne part pas avec toutes les chances dans la vie, si ce n'est qu'elle a un corps superbe, ce qui lui vaut d'être remarquée par un photographe et de devenir Marilyn Monroe

Pourquoi il faut le lire?

Oeuvre magistrale d'Oates, Blonde n'est pas vraiment une biographie de Marilyn Monroe, plutôt un roman dont elle serait l'héroïne, donnant à entendre la voix de la femme brisée et apeurée sous la star. Porté par un féminisme éclairé, et par la personnalité de cette Norma Jeane de fiction, quelle force de vie dans ce personnage, qui fait toujours bonne figure alors qu'elle est de plus en plus abîmée et que ses rêves tournent au cauchemar, voulant devenir une grande actrice mais avec son superbe corps comme atout les hommes ne la prennent pas au sérieux, seulement comme objet de désir, malgré tout elle s'entête, défiant le studio et les réalisateurs dans sa quête de perfection.

L'idée n'est pas de nier les défauts du personnage mais de leur donner un sens au travers d'une construction faite d'événements réels, de fantasmes et d'hallucinations, composant un portrait bouleversant, comme souvent chez Joyce Carol Oates dont la qualité des portraits de femme n'est désormais plus à démontrer, ici une femme qui s'obstine à rêver alors que ses rêves coulent entre ses doigts.

Rêves de garçons (Laura Kasischke, 2006)

Une jeune fille sourit à deux garçons dans un vieux break mangé par la rouille. Mauvais choix, qui va avoir des conséquences imprévues.

Pourquoi il faut le lire?

Roman important, encore une fois sur l'instant précis où le rêve américain devient un cauchemar, sauf peut-être qu'il l'était déjà avant, car le décor planté au début du livre n'est pas si anodin. L'irruption du fantastique/horrifique est annoncée par une introduction plaçant cette histoire sous le signe de celles qu'on se raconte pour se faire peur la nuit autour d'un feu de camp. Mais déjà ce lac aux profondeurs insondables, ce camp de vacances pour pom-pom girl qui n'a rien à envier à un camp d'entraînement militaire, avec ses toilettes nauséabondes sujettes à de sinistres légendes, cette station service à la faune glauque et ses routes si encaissées qu'on ne peut aisément y faire demi-tour en voiture.
Ces filles se rêvent libres et émancipées mais déjà avant que l'action du roman ne débute elles sont enfermées partout, dans le camp, sur la route, dans une voiture, un bateau, par le regard des autres aussi, car il faut qu'elles soient parfaites aux yeux des autres avant tout, et même la nuit on ne peut s'en garder, il y a toujours quelqu'un qui regarde, quelque part.

Rêves de garçon c'est surtout un roman très sensible sur l'adolescence, rarement aussi bien rendue, et une ambiance de suspens qui monte au fur et à mesure que l'intrigue se déroule par petites touches, ce sont les relations entre toutes ces filles qui sont au centre du livre, l'intrigue est périphérique, reléguée aux zones d'ombre, car dès qu'on sort du camp le danger rôde, anodin, autour il n'y a que ténèbres, jusqu'aux eaux du lac qui sont plus noires que bleues, c'est surtout une ambiance qui monte, faite de clichés superposés, sauf que l'apparence est trompeuse.

L'apparence justement est également au centre du livre, bien sûr ces pom-pom girls se doivent d'être parfaites jusque dans les moindres détails, et il y a ce moniteur de baignade au corps de rêve, et évidemment il y a ce que les choses paraissent et ce qu'elles sont réellement, révélées dans un final cruel et cynique qui vient renverser tout cet édifice de clichés. Il y a ce que le personnage principal pense des autres personnages, et ce qu'ils s'avèrent être réellement.

Si par ailleurs le retournement s'avère un peu trop artificiel, cela va avec le style histoire autour d'un feu de camp, dont la fin pose plus de questions qu'elle n'en résout, parce que l'incertitude terrifie bien plus que ce qu'on connaît. En ce sens le dénouement qui amène une dimension cyclique, comme un cauchemar dont on se croit sorti mais qui recommence encore et encore est un modèle du genre. Peut-être parce qu'il montre qu'on apprend guère de ses expériences, où qu'on ne veut pas les affronter réellement, ce qui revient au même, et si l'adolescence est l'âge des possibles, l'âge adulte est celui des déceptions, parce que le rêve ne paraît tel que lorsqu'il est inaccessible.

Entre ciel et terre (Jon Kalman Stefansson, 2007)

Bardur oublie sa vareuse pour pêcher en haute mer dans le froid, son esprit trop occupé par la lecture du Paradis Perdu de Milton. Il mourra avant de toucher terre, gelé, et son meilleur ami se demandera comment accomplir le travail de deuil.

Pourquoi il faut le lire?

C'est un roman poétique qui questionne le pouvoir des mots au travers d'une prose magnifique et imagée, opposant son style grandiose au quotidien âpre de ces pêcheurs pour qui la vie est un combat de tous les instants contre la mort. Le pouvoir des mots, c'est d'abord celui de ce poème qui tue Bardur, presque au sens propre, malgré tout ce sont ces mêmes mots qui permettent d'échapper à sa condition, et l'enfant y trouvera manière à faire son deuil, consolation et finalement espoir. Pour ces pêcheurs rudes ce n'est jamais qu'une perte de temps et l'enfant n'est pas loin de penser de même, si son ami n'avait pas été plongé dans sa lecture il serait encore vivant, sauf que sa rencontre avec un vieux capitaine devenu aveugle qui ne peut plus lire les nombreux livres en sa possession va changer tout ça.

Ce roman, c'est d'abord celui d'hommes rudes sur une terre rude et une mer qui l'est encore plus, et ensuite celui d'une initiation à la vie, qui commence par une mort, car c'est ainsi qu'on apprend la valeur d'une chose, par son absence.

Tous les oiseaux du ciel (Charlie Jane Anders, 2016)

Patricia et Laurence, tous deux rejetés, l'un informaticien et l'autre sorcière, tous deux prometteurs dans leur branche, sont faits pour se rencontrer, car à part eux tout le monde les méprise. Devenus estimés dans leur partie plus tard, ils doivent faire face, chacun à sa manière à une fin du monde imminente.

Pourquoi il (ne) faut (pas) le lire?

Bon en fait je dirais que si on n'a pas quinze ans ou moins, c'est à peu près illisible. Certains des paragraphes sont parmi les plus mal écrits que j'ai lu depuis longtemps, et l'emploi d'un vocabulaire "jeune et branché" fatigue vite. L'idée de base, si elle n'est pas nouvelle, trouve son intérêt dans la représentation d'un monde dont la fin approche à cause du réchauffement climatique, modernisant ainsi le topo. Le reste, entre ton léger, école de sorcellerie, machines fantasques, promet un imaginaire amusant, plutôt mignon par ailleurs.
Sauf que ça ne fonctionne pas, à cause de l'inanité de l'intrigue (ou de sa totale absence, serait-il peut-être plus juste de dire), de l'inintérêt total des personnages secondaires qui servent de clichés/caution, et d'un dénouement ridicule. A certains moments on se dit ça y est, là c'est pas mal, ça se développe de manière intéressante, ça dure une page, et puis non, ça redevient difficilement supportable l'instant d'après.

Jusqu'à ce que les pierres deviennent plus douces que l'eau, (Antonio Lobo Antunes, 2017)

Un jeune lieutenant sauve un jeune angolais dont son unité brûle le village, il l'adopte et le ramène au Portugal. De nombreuses années plus tard la famille se réunit pour tuer le cochon, cérémonie annuelle, et les rancoeurs vont ressurgir.

Pourquoi il faut le lire?

Ceux qui ont déjà lu du Antunes savent à quoi s'attendre, il y a des auteurs qui essayent d'écrire comme on parle, il est le seul à écrire comme on pense. La pensée c'est une chose étrange, souvent décousue, on pense à quelque chose, qui nous amène à autre chose, avant parfois qu'on ai fini la pensée précédente, et bien l'écriture d'Antunes c'est exactement ça, une phrase unique par chapitre, des propositions qui ne finissent pas, ou parfois quelques lignes plus bas, et quelque chose d'apparemment décousu sauf qu'il y a une construction précise on s'en rend compte et l'espace d'un instant on lit clairement, l'instant d'après on est de nouveau perdu jusqu'au prochain éclair de clarté.

Et encore. Ce livre là est muni d'une intrigue précise, c'est plus que les précédents, et donc il est plus facile à suivre, les points de vue, celui du père, du fils adoptif noir et de la fille sont clairement délimités. Cette intrigue est entièrement dévoilée dans la première page, le reste ce sont les pensées des personnages donc, qui souvent portent sur des images précises et horribles de la guerre d'indépendance en Angola (qu'Antunes a vécu).

Amateurs de livres à scénarios passez donc votre chemin, et si vous n'avez jamais lu cet auteur, vous vous aventurez dans un terrain étrange et mouvant, mais une langue poétique qui n'appartient qu'à lui, comme une Virginia Woolfe qui aurait porté son style à son paroxysme. C'est beau mais je comprends qu'on puisse trouver ça un peu vain, mais après tout il y a chez Antunes une force d'évocation qui fait remonter des images justifiant à elles-seules une telle lecture, pour peu qu'on s'intéresse à la littérature pour la littérature, pour le plaisir d'écrire.

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kakkhara

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Envoyé par kakkhara le Mercredi 15 Janvier 2020 à 14:01


De nouveau quelques livres qui pour moi ont clôt l'année, une année plus fertile que d'habitude en classiques et donc moins en nouveautés, fatalement.

Classés par date de parution originale : 

Mansfield Park  (Jane Austen, 1814)

Fanny est née dans une famille pauvre mais est élevée chez la soeur de sa mère, une famille respectable, auprès de laquelle elle apprendra les usages mais sera souvent méprisée.

C'est l'histoire de Cendrillon, si l'on veut schématiser. C'est surtout le roman de Jane Austen qui m'a le plus plu, j'imagine que c'est grâce à son extrême modernité qui montre à quel point elle était visionnaire. C'est probablement à cause de cette même modernité qu'il a été à l'époque beaucoup moins bien accueilli que Pride and Prejudice ou Sense and sensibility. Et pourtant, dans Mansfield Park, tout est éclatant de maîtrise, sauf l'intrigue qui n'est jamais le point qui intéresse le mieux Jane Austen, qui s'attache plus aux caractères des personnages. En effet, chacun ici est dépeint avec un minimum d'effets et un maximum d'efficacité, peut-être encore plus dans Mansfield Park qu'ailleurs, car plus subtil. Il n'y a qu'à voir le refus de manichéisme dans le traitement du personnage d'Henry Crawford, beaucoup plus complexe que celui de Willoughby dans Sense and sensibility, pour en être convaincu. C'est parce que Jane Austen sait ici aller chercher les causes des attitudes des personnages, se penchant sur leur psychologie.

Le Manoir, (Isaac Bashevis Singer,1955)

Calman Jacoby rachète à peu de frais le manoir d'un aristocrate polonais déchu pour avoir lutté contre le pouvoir du tsar. Il va construire sa fortune personnelle en cherchant de nouveaux débouchés pour ses diverses industries.

Une autre fresque familiale de l'auteur de La Famille Moskat, dans un contexte différent, ici l'industrialisation de la Pologne, en toile de fond. Autour du doyen Jacoby vont s'agréger les envies et les jalousies, tandis que ses enfants choisissent pour eux-même un avenir pas toujours en accord avec ses idées de juif pieux, idées qu'il va lui-même remettre en cause au cours du récit. Publié en feuilleton originellement, Le Manoir en a le rythme haché et les répétitions obligatoires du genre, malgré tout plus le récit avance plus se développe une fresque de grande ampleur comme sait les écrire Isaac Bashevis Singer.

Malakansâr, l'éternité des pierres  (Michel Grimaud, 1980)

Silo entend une conteuse parler de la légende de Malakansâr, aussitôt germe en son coeur le désir de découvrir la mythique cité. Dans son voyage il sera rejoint par une esclave mowo en quête de liberté et Glévian, pêcheur obsédé par la beauté d'une statuette de pierre blanche qu'il a découvert par hasard.

Il y a tout ce qu'il faut dans ce récit de fantasy français, un voyage initiatique qui nous dévoile en creux un monde qu'on peut mieux interpréter que les voyageurs comme étant situé sur une planète ayant connu une brillante civilisation technologique qui a chuté, laissant la place à l'obscurantisme. C'est plaisant à lire, bien monté, avec des personnages bien caractérisés, des contrées différentes offrant à voir différentes peuplades, sans outrance, et un épilogue plus ambitieux que le récit ne le laisse d'abord entendre. A découvrir donc.

Comte zéro (William Gibson, 1985)

Il y a trois histoires dans Compte zéro : Turner est un mercenaire spécialisé dans l'extradition de cadres de multinationales surpuissantes qui veulent se reconvertir, Marly est spécialiste d'art et employée par le richissime Virek pour découvrir l'origine de mystérieux artefacts qui apparaissent sur le marché, et enfin Bobby Newark, alias Comte zero, est un escroc cybernétique de seconde zone qui se trouve propulsé à l'échelon supérieur par une découverte fortuite. Bien évidemment, les trois histoires convergent.

Parmi les auteurs de science-fiction qui ont marqué le genre, il y a William Gibson pour le cyberpunk, très clairement. Forcément daté à cause des innovations technologique, comte zéro apparaît pourtant très visionnaire pour l'époque d'écriture, également dans le style. La trilogie, puisque Comte zéro en est le deuxième volume, pouvant se lire seul, est justement considérée comme un classique du genre. On est plongé directement dans un univers extrêmement dense dans lequel l'auteur nous laisse nous débattre avec ses notions cybertechnologiques dont la plupart sont des extrapolations, bien sûr. L'histoire en elle-même est une sorte de thriller et prend de plus en plus des aspects de quête initiatiques, surtout le fragment de Marly qui devient de plus en plus ésotérique, et d'ailleurs Joseph Virek est probablement l'idée la plus démente du recueil.

Mars la rouge
Mars la verte
Mars la bleue (Kim Stanley Robinson 1993/1996)

Cent scientifiques et astronautes sont choisis pour démarrer la colonisation de Mars pour accueillir à terme la population terrestre beaucoup trop dense.

Un cycle époustouflant de la hard science dont Kim Stanley Robinson est un auteur majeur. Je passerais sur l'aspect scientifique, n'étant guère qualifié pour en parler. L'intrigue en elle-même est un thriller politique qui oppose les martiens voulant préserver leur liberté et la Terre qui voudrait avoir la main mise sur Mars, sur fond de querelles entre multinationales et développements scientifiques. De grands pans du roman étant dévolus à l'exploration et à l'explication scientifique l'intrigue est morcelée.
Egalement les personnages, on sent la difficulté de tous les développer tant il y en a, ce qui donne un schéma redondant pas si réussi. On a généralement A et B qui sont rejoints par C et D, ensemble ils vont voir E qui a été rejoint par F et G, etc... Sans que cela n'apporte grand chose à l'intrigue le plus souvent. Egalement les informations sur la guerre en cours sont souvent désincarnés, quand il n'y a pas de personnage impliqué cela devient un froid compte-rendu de ce qui se passe.

Mais ça, c'est parce que l'intrigue passe en deuxième, ce qui passe en premier c'est bien sûr l'aspect scientifique, et aussi l'aspect politique (un peu simpliste celui-là, forcément, sans quoi il aurait fallu y consacrer des pages et des pages). C'est dans cet aspect protéiforme que le cycle trouve ses limites, parce qu'à trop vouloir en faire il arrive que la narration s'égare.

Mais franchement, au vu de la qualité générale de l'ensemble, tout ça n'est que détails. 
 

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Borislehachoir

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Envoyé par Borislehachoir le Dimanche 26 Janvier 2020 à 15:37


(dédicace à ceux qui vont voir que j'ai posté ici et qui croiront que je me suis planté de topic  )

Bon par contre je vais vous décevoir parce que TOUS les bouquins dont je vais parler aujourd'hui traitent du même sujet, mais je vous laisse deviner lequel parce que sinon ce serait trop facile et je vais vous gâcher le plaisir.

Le Cinéma selon Melville (Ruy Nogueira, 1974)

Entretien entre l'immense cinéaste français et un admirateur/ami qui revient sur l'ensemble de la carrière de Melville jusqu'au Cercle Rouge - Un Flic n'était pas encore sorti lors de l'écriture -.
C'est à la fois super instructif et super drôle parce que le personnage Melville est extrêmement sur de lui et certainement mythomane ; on est toujours partagé entre l'envie de le croire sur parole et les abus évidents, qu'un dialogue savoureux met en évidence ( " vous pensez que je mens ? " " Absolument pas." " Hé bien vous avez tort "). Au-delà de sa propre carrière, des anecdotes sur les acteurs, techniciens et contextes de tournage, il y a aussi la fascination de Melville pour le cinéma américain, sa connaissance encyclopédique pour l'époque qui là encore n'est pas dénué d'une mauvaise foi hilarante  ( " aujourd'hui, il y a même des gens pour vous faire croire que Raoul Walsh est un grand cinéaste "). C'est très court et très incisif en même temps, un gros plaisir de lecture.

Kinji Fukasaku : Un cinéaste critique dans le chaos du XXe siècle (Olivier Hadouchi, 2009)

L'introduction écrite dans une sorte de charabia novlangue, qui heureusement n'est pas de l'auteur mais d'un célèbre critique dont je tairai le nom parce qu'il n'en est pas à son premier forfait, est une horreur sans nom. Le livre qui le suit est bien meilleur et échappe de justesse à la théorisation foireuse par un retour constant aux films, en livrant des analyses parfois très intéressantes (toute la partie sur la bombe atomique ne manque pas d'intérêt). Il serait dur d'en vouloir à l'auteur de ne pas avoir une connaissance exhaustive de Fukasaku (en 2009 peu de ses films avaient été distribués en France en dehors de la rétrospective de la cinémathèque), en revanche je trouve que le livre apprend relativement peu de choses à quelqu'un - je pense que c'est mon cas - déjà bien familier de l'univers du cinéaste, de ses codes, de son importance historique et du rôle qu'il a joué dans la popularisation du film de yakuza réaliste. Ca reste un bon livre ou l'effort intellectuel est suffisamment honnête pour mériter d'être salué.

Gun and sword : An Encyclopedia of Japanese Gangster Films 1955-1980 (Chris Desjardins, 2013)

L'équivalent pour les films de yakuzas et les polars japonais du livre de Jean-François Giré sur le western spaghetti : c'est la somme, la synthèse, y a TOUT et je ne regrette pas d'avoir dérogé à mes habitudes en achetant un bouquin en anglais. Pour chaque film, un résumé, une appréciation quand Chris a pu voir le film (et certes il n'a pas tout vu mais franchement, je voudrais voir qui peut lui faire la leçon là-dessus) et une analyse à l'occasion. Le bouquin est classé par séries, ce qui est bien dans l'absolu mais se révèle un peu plus casse couilles quand tu découvres que le film que tu recherches est le septième d'une série de douze (mais tu savais pas parce que les douze sont indépendants), série qui a 4 noms différents selon les traductions. Mais ce n'est pas la faute de Chris si l'édition de polars japonais est un tel bordel. En état, achat indispensable que je n'ai absolument pas regretté, très loin s'en faut.

No Borders No Limits: Nikkatsu Action Cinema (Mark Schiling, 2008)

Encore un livre en british signé de l'autre grand spécialiste, à savoir Mark Schiling, monsieur " Bonus DVD des films de la Nikkatsu ". Et le bougre connaît sacrément son sujet. Le livre est cette-fois ci très court et prend un parti-pris original, celui de traiter le cinéaste le plus fameux de la Nikkatsu (un studio spécialisé dans le polar jazzy à tendance " jeune en révolte "), Seijun Suzuki, et de le traiter à égalité avec des petits maitres comme Yasuharu Hasebe, Koreyoshi Kurahara ou Toshio Masuda dont nous connaissons moins l'œuvre, ce qui rend le bouquin très instructif ; il l'est aussi lorsqu'il analyse le vedettariat de l'époque au Japon, révélant par exemple que Jo Shishido tenait plutôt du second couteau même si aujourd'hui il demeure un des visages les plus connus de cette vague en Occident (RIP Jo qui est mort il y a quelques jours par ailleurs). La partie interview est sympathique avec un clash Jo Shishido/Akira Kobayashi qui vaut des points. On termine ce bouquin avec le sentiment d'être un gros inculte qui a beaucoup trop de films de la Nikkatsu en retard, ce qui est une bonne motivation pour des découvertes futures.

Nikkatsu : 100 ans de Rébellion (Alexandre Fontaine Rousseau)

J'ai mis le nom de l'auteur principal mais le livre a été collectivement par les types du webzine québécois Panorama Cinéma, ce qui se ressent pas mal sur l'aspect très inégal des articles, allant du bon au sans intérêt. Mais au-delà des limites de l'exercice à dix, je pense que l'énorme problème du bouquin des québécois, le seul existant en français sur la Nikkatsu, c'est qu'il définit mal son sujet et veut tout traiter à la fois. Ainsi, en étant plus court que le Mark Schiling (qui se concentre sur le versant polar), les copains de Panorama Cinéma veulent aussi traiter les films d'auteur (Imamura, Ichikawa), les films politiques (Wakamatsu) et même les romans pornos ! D'où une impression de baclage, de survol ou finalement le genre le moins exploré auparavant (le roman porno donc) est celui qui s'en sort le mieux, là ou les pages sur Suzuki ou Hasebe font pale figure à côté de celles de Mark Schiling. Un effort louable de la part des québécois mais ou la volonté de tout traiter sans limiter le studio à certains types d'œuvre donne un sentiment de brouillon et d'inachevé.
Note : en revanche, le court article de Claude Brouin sur la découverte des romans pornos lors de ses jeunes années est un petit régal.

Le cinéma américain des années 70 (Jean-Baptiste Thoret, 2006)

Le bouquin somme de Thoret, qui m'a accompagné durant mes années étudiantes (j'ai du le parcourir à la BU des dizaines de fois) dont je me demandais si il passerait bien la relecture maintenant que j'ai quelques milliers de visionnages de plus dans les pattes. Réponse : oui, il s'agit toujours d'un des plus intéressants bouquins écrit par un cinéphile français. Que Thoret se soit par la suite auto-caricaturé, que son obsession des années 70 le conduisent souvent dans l'impasse critique, c'est une chose. Mais lorsqu'il traite son sujet fétiche, non comme une compilation de cinéastes mais comme l'état d'esprit d'une époque en général (il traite ainsi de nombreux cinéastes assez méconnus : Bob Rafleson, Hal Ashby, John Frankenheimer....), l'exhaustivité des connaissances de Thoret combiné à des analyses de séquences précises font qu'il dépasse selon moi son maitre à penser Gilles Deleuze dans l'exercice de la critique cinéma. A ma connaissance, personne n'a écrit de choses plus pertinentes que Thoret sur Macadam à deux voies de Monte Hellman ou The Nickel Ride de Robert Mulligan. Le meilleur livre de toute ma liste.

White (Bret Easton Ellis, 2019)

Un essai du romancier Bret Easton Ellis, son seul à l'heure actuelle, ou il parle de société, de twitter, de Social Justice Warriors et.... de cinéma, aussi. Souvent.
Que BEE ait des opinions anticonformistes, c'est assez plaisant. Qu'il s'en prenne aux millenials, rale sur le politiquement correct et sur la volonté de censure, ce n'est pas nouveau mais ses exemples sont édifiants. Je trouve toutefois qu'on passe parfois de la critique argumentée à un truc qui tient plus du " j'aime pas ta gueule ", avec notamment deux passages gratuits, celui sur Kathryn Bigelow (la trouver surestimée pourquoi pas, mais dire que son succès tient uniquement à son physique alors que les 3/4 des gens qui vont voir ses films ne savent pas quelle tête est là, vraiment ?) et celui sur David Forster Wallace, ex-rival de BEE suicidé depuis sur lequel l'auteur s'acharne de façon assez gerbante. Même si le livre ne me rend pas BEE humainement très sympathique, même si un début de chapitre sur deux est en gros " je trollais sur twitter quand soudain... ", je trouve qu'il fait assez mouche dans certaines analyses et qu'il est un des rares américains qui parvient à me faire réfléchir sur des films que je déteste et qu'il adore.
Par rapport au reste de la production de l'auteur, je le préfère à ses deux bouquins précédents, mais American Psycho et Glamorama (et dans une moindre mesure, Moins que Zéro et Zombies) restent mes favoris de celui qui est pour moi un des grands écrivains américains contemporains.

Boris.

 

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kakkhara

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Envoyé par kakkhara le Vendredi 07 Février 2020 à 10:51


Nouvelle fournée de livres, classée toujours chronologiquement.

Le Trompette-major (Thomas Hardy, 1880)

Des deux frères Loveday l'un est dans la marine, l'autre dans les dragons, mais les deux sont amoureux de la jeune Anne Garland.

Le désespoir que marque ce roman est à peine masqué par le ton bonhomme et humoristique d'une chronique campagnarde alors que l'armée campe aux alentours et que le spectre de Napoléon rôde. Si réellement le ton en est parfois vaudevillesque, il faut voir par exemple les réponse de Cripplestraw qui se moque de la lâcheté de son maître Festus Derriman en faisant mine de l'interpréter comme de la bravoure, les personnages vivent dans un marasme affectif, résultant surtout de leur propre fait, qui n'a rien de drôle. On ne peut s'empêcher de soupirer de la roideur souvent hors de propos d'Anne et de la naïveté de John, le trompette-major du titre. La conclusion même est un pied-de-nez de l'auteur, et si elle est rendue peu crédible par l'outrance du sacrifice de John, elle n'en déroge pas moins à ce qu'on attendait et ce qu'on voit généralement de l'époque. En cela peut-être il faut voir le signe d'une modernité pas si apparente de prime abord, d'autant que le roman se passe 80 ans en arrière, où la vertu n'est pas récompensée ni le vice puni, où les personnages changent régulièrement d'avis en un va-et vient psychologique qui ne manque pas de finesse, loin des standards dont ce genre de littérature nous a abreuvé. 

La Jungle (Upton Sinclair,1906)

Des immigrants lituaniens arrivent en Amérique et vont travailler aux abattoirs à Chicago, ils sont plein d'espoir et de bonne volonté, mais ne se doutent pas de ce qui les attend.

Livre choc à sa sortie, La Jungle est un fleuron de la littérature naturaliste, dont la lecture peut faire peur à cause de l'austérité (faussement) associée au genre. La première scène, celle du mariage, rassure d'emblée, la langue d'upton Sinclair est belle, et confère un aspect épique aux déboires de cette malheureuse famille, sans tomber dans le piège de l'hagiographie. Jurgis en effet est loin d'être un saint, sans pour autant être un salaud, c'est juste un pauvre diable qui essaye de s'en sortir face à une machine déshumanisante. Car les abattoirs, et le monde des ouvriers en général, est le vrai centre de ce roman, offrant des visions cauchemardesques dans de superbes mais effroyables descriptions que ne renieraient pas L214. Cette épopée va nous offrir un cheminement dans ce monde, passant de la ville aux campagnes, et puis s'échappant du monde industriel pour une percée dans celui des patrons, puis dans celui de la pègre, et dans le milieu politique, tous connectés entre eux.
Le message socialiste plus qu'explicite de la fin paraît maintenant naïf et dépassé, mais il faut se rappeler qu'en 1906, un tsar règne toujours sur la Russie et que le socialisme n'est encore qu'une utopie.

Shadrak dans la fournaise (Robert Silverberg,1976)

Shadrak est médecin du khan Gengis Mao IV, qui règne sur le monde. Alors qu'il maintient en vie le tyran, se pose la question du prix à payer.

Une dystopie subtile, qui imaginait un nouvel ordre mondial à cause de l'effondrement des puissances suite à un virus propagé lors de la guerre froide. Ce qui tranche avec le genre, c'est que le tyran et son chef de la sécurité sont humanisés, ce qui est rarement le cas dans le genre. Shadrak, le personnage éponyme, se débat avec son cas de conscience entre deux voies mauvaises, tâchant de trouver une troisième solution. Laisser vivre le tyran, c'est voir sa domination être incontestée, le laisser mourir c'est se sacrifier pour rien car au pire Gengis Mao sera remplacé par quelqu'un, au mieux le système s'écroulerait, mais pour être remplacé par un chaos dont l'espèce humaine, toujours menacée par le virus, ne se relèverait pas. La posture de Silverberg ici ne manque pas d'intérêt et donne à Shadrak dans la fournaise, malgré son style un peu boiteux (quel étrange choix que ce journal simulé de Gengis Mao, notamment), un autre regard sur son oeuvre, en faisant un incontournable pour ceux qui apprécient Silverberg, et donc, ce devrait être un classique de la science-fiction au lieu du texte méconnu qu'il est en réalité, écrasé par la notoriété de titres comme L'Oreille interne, Le Livre des crânes, L'Homme dans le labyrinthe ou le cycle de Majipoor.

La Tour de Babylone, recueil de nouvelles (Ted Chiang, 2002)

Des nouvelles de science-fiction intéressantes et assez disparates, qui malheureusement ne dépassent pas vraiment leur idée de départ, c'est souvent le défaut des nouvelles de science-fiction par ailleurs. La nouvelle éponyme néanmoins sort du lot, dans une espèce d'environnement poético-biblique, qui vaut le détour. On notera également la présence de Story of your life, qui a été adapté sous le titre de Arrival par Denis Villeneuve, un beau film qui dépasse le cadre de la nouvelle, laquelle n'offre aucune explication, ce qui est finalement peut-être aussi bien. Car justement, Story of your life est un modèle d'épure. La nouvelle Aimer ce que l'on voit, un documentaire, ne manque pas non plus d'intérêt sur le sujet de la beauté et de comment elle maquille nos perceptions.

Collines noires (Dan Simmons, 2010)

Paha Sapa, un jeune indien, touche le cadavre de Custer à la bataille de Little Big Horn, et reçoit en échange l'esprit du général mort. Des années plus tard, il travaille sur les monts Rushmore, voyant là l'occasion de venger la défaite de son peuple.

De Dan Simmons, on retiendra surtout les cantos d'Hyperion, l'un des chefs-d'oeuvre de la science fiction. Collines noires en soit est un récit bien qualibré, à la construction éclatée bien menée, qui confirme que Dan Simmons est un auteur solide, mais qui n'offre finalement rien de bien transcendant, à cause justement de cette narration qui promet de nous emmener vers un final grandiose, et puis finalement, non. Son intérêt résidera donc principalement dans sa documentation sur les époques évoquées, Little Big Horn et les coutumes indiennes, 1893 et l'exposition universelle de Chicago et le show de Buffalo Bill, et enfin la construction du mont Rushmore. Il faut noter aussi une subtilité plus grande qu'il n'y paraît, en évitant notamment le cliché des braves indiens génocidés par des brutes sanguinaires, et une humanisation du personnage de Custer. Si ça avait déjà été le cas de nombreuses fois, et bien avant l'écriture de Collines Noires, il est évident que c'est loin d'être toujours le cas. Dans l'ensemble, c'est une réussite donc.

Les rois d'Islande (Einar Mar Gudmundsson, 2012)

Un portrait de famille, les Knudsen, qui ont été tout ce qu'on peut être dans la vie, avocats, marins, professeurs, mendiants, serveurs, et autres.

Empilement d'anecdotes épiques et drôles, Les rois d'Islande évoque les romans d'Arto Paasilinna par sa verve et le caractère de ses personnages. Sa forme est néanmoins sa faiblesse, car si il y a dans ce livre un réel génie de l'anecdote, ce n'est jamais que ça, il n'y a pas de réel récit qui prenne forme. Drôle et féroce, certes, trouvant toujours le ton juste, mais l'ensemble reste donc... anecdotique, bien que très divertissant.
 

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Envoyé par kakkhara le Samedi 07 Mars 2020 à 19:08


Un passage pour parler de mes dernières lectures : 

Histoire de Tom Jones, enfant trouvé (Henry Fielding, 1749)

Le petit Tom Jones est trouvé par un respectable squire, alors qu'il n'est qu'un bébé. On ne sait rien de ses parents bien que des soupçons pèsent sur une femme et un homme en particulier. Le jeune Tom Jones grandit, devenant noble d'allure et de coeur. Mais lorsqu'il tombe amoureux de la belle Sophie Western, tout le monde se rappelle soudainement sa basse extraction.

Pas besoin d'épiloguer très longtemps sur un classique de cet acabit. Livre somme d'Henri Fielding, on y trouvera ce qu'on y attendra, un flot d'aventures, rencontres, querelles, conspirations, viles âmes et beaux personnages, digne des meilleurs romans feuilleton, le tout très bien écrit, avec une bonne dose d'humour et de cynisme, empruntant en cela au roman picaresque (ce n'en est pas un, malgré tout). Le tout respectueux de la morale bien sûr. Sauf que la morale d'Henry Fielding est parfois étonnante pour l'époque, ce qui fait que Tom Jones n'a pas été bien accueilli par tous, loin de là, certains s'en sont même trouvé choqués. C'est toutefois ce qui plaît le plus maintenant et ce qui lui donne son côté intemporel. Pour couronner le tout, Henri Fielding ouvre chacun de ses livres par un prologue dans lequel il étale ses remarques et principes, s'en prenant à coeur joie aux critiques à plusieurs reprises.

Tess D'Urberville (Thomas Hardy, 1891)

La jeune Tess est séduite par son jeune maître, puis abandonnée avec un enfant.

Plus on avance dans l'oeuvre de Thomas Hardy, plus on sombre dans le pessimisme. Ses personnages ont toujours été en butte aux conventions sociales, mais au moins il leur arrivait de s'en sortir, parfois pas trop mal, parfois même bien. Tess, c'est une descente aux enfers. Son destin est tracé dès la première partie par l'omniprésence de la couleur rouge, il sera sanglant. Ce que le monde entier considère comme une faute impardonnable, elle aura le tort de ne pas le cacher lors même qu'elle aurait pu. La deuxième partie, plus joyeuse, s'achève ainsi brutalement par la désillusion de la pauvre Tess. Courageuse, elle essaiera de s'en sortir, mais elle croise des faisans ensanglantés, c'est son destin qui la rattrape.
Le tort de Tess a été de vouloir vivre à la fois en harmonie avec ses idéaux et avec ceux de la société. Sa fierté ne lui permettant pas de mendier de l'aide, elle s'enfonce de plus en plus. Son destin est celui des jeunes femmes pauvres. Le pays se modernise, le train se généralise, Tess a de l'instruction, elle ne veut pas se contenter du destin de sa mère, mais n'a pas les moyens de le changer.
La campagne du Wessex a toujours un rôle prédominant, mais ici c'est un univers de labeur et de tristesse, quelques envolées bucoliques cachant mal la misère des personnages, où malgré la modernisation jamais rien ne change, si ce n'est les saisons, qui rythment la vie de Tess.
Virulente charge de Thomas Hardy, Tess d'Urberville montre tout le désespoir qui l'habitait.

Jude l'obscur (Thomas Hardy, 1896)

Jude voudrait devenir un lettré, mais il n'a pas de quoi se payer le collège. Il se marie jeune, abandonnant ses chances. Lorsqu'il rencontre sa cousine Sue et en tombe amoureux, il regrette ses choix mais il est trop tard.

La carrière littéraire de Thomas Hardy semble suivre une pente qui mène du bucolique au désespoir. On retrouve ici bien des éléments de Tess d'Urberville, mais ce roman est encore plus noir s'il n'est possible. Sue, tiraillé entre son devoir imposé par la société et ses envies, est tout simplement schizophrène, changeant d'avis et d'attitude à la minute, torturée en permanence. Jude ne lui cède en pas grand chose sur ce terrain, même s'il sait plus ce qu'il veut. Le plus dramatique est que ce qui s'oppose à eux, ce sont les conventions. Le mari de Sue par exemple, est tout à fait disposé, bien que ce soit la mort dans l'âme, à les laisser vivre ensemble, puisque Sue en est venu à concevoir de l'horreur pour lui.
La charge contre le mariage n'est sans doute pas très subtil, mais il faut bien reconnaître que Thomas Hardy est un auteur qui ne brille guère par la subtilité. Cependant le portrait qu'il fait ici des personnage est très moderne. Encore une fois on se retrouve dans un pays modernisé, avec l'omniprésence du chemin de fer, mais dont les moeurs n'ont pour le moment pas suivi l'innovation technique. Et toujours, le pauvre restera pauvre, quoiqu'il fasse pour s'en sortir. Il peut être plus savant que les docteurs, on se moquera de lui ou on ne l'écoutera pas. Ainsi Jude dispense sa sagesse dans les cabarets et finit par s'y saoûler pour supporter l'amertume d'un sort contraire qu'il n'arrivera pas à renverser.

La Guerre des salamandres (Karel Capek,1936)

On découvre une nouvelle espèce, pacifique et potentiellement intelligente, dans des îles du Pacifique. Bientôt les salamandres seront les esclaves des hommes, à moins qu'elles ne se soulèvent.

On a dit que c'était une dystopie, mais pas vraiment. C'est une parabole en tout cas, à plus d'un titre. On y voit une critique acerbe du colonialisme, de la condition des travailleurs. C'est aussi un avertissement très clair sur la situation internationale, au même titre que La Guerre de Troie n'aura pas lieu, de Jean Giraudoux.
Mais qu'on ne se laisse pas rebuter par tout ça, c'est surtout très drôle, et extrêmement moderne dans l'écriture, un vrai festival d'inventivité. Une fois passé une première partie un peu lourde centrée sur le personnage du capitaine Van Toch, le récit prend la forme d'un précis historique sur les événements relatifs aux salamandres, à grands renforts de coupures de journaux et d'articles scientifiques.
La plume de Karel Capek est corrosive. Auteur méconnu et pourtant important de la science-fiction, il est à noté que c'est à lui que l'on doit la première utilisation du mot "robot", dérivé du tchèque.
Si La Guerre des salamandres est parfois un livre bancal, il n'est jamais ennuyeux et toujours aussi divertissant qu'intéressant.

Fantasia chez les ploucs (Charles Williams, 1956)
==> réédité sous le titre plus fidèle Le Bikini de diamant

Billy se planque avec son père à la ferme de son oncle Sagamore Noonan. Il va y vivre un été inoubliable.

Fantasia chez les ploucs, c'est un livre noir sous forme de déferlante d'humour, vu par un enfant qui ne comprend pas se qui se passe et est d'une naïveté confondante. Le ressort comique de la naïveté qui s'adresse au lecteur plus averti fonctionne toujours très bien, et ici on a une galerie de personnages génialement barrés. Soit, le père Billy, probablement le plus fade du lot, arnaqueur de champs de course. Soit l'oncle Sagamore, cerveau d'une bande de trafiquants d'alcools. Soit Miss Harrington, jeune fille qui va apprendre au jeune Billy à nager, plus connue sous le nom de Caroline Tchou-Tchou, strip-teaseuse et témoin clé dans une affaire de gangsters. Et d'autres encore. Le personnage de Sagamore donne à lui seul toute sa saveur au roman, faux cul-terreux passant son temps à se moquer du shérif et de ses adjoints avec sa prévenance pince-sans-rire.

Un Bonheur insoutenable (Ira Levin, 1970)

Dans un futur indéterminé, l'humanité, renommée la Famille, est dirigée par un ordinateur géant et chacun reçoit un traitement destiné à le rendre heureux et en bonne santé, jusqu'à 62 ans, l'âge où l'on meurt.

Une dystopie tout à fait classique, bien montée, en trois parties, chacune donnant un éclairage différent. Le canevas archi classique du membre à qui l'amour ouvre les yeux et du traitement tranquillisant (Nous, Le Meilleur des mondes, 1984, THX1138 -plus tardif-) ne révolutionnera pas le genre, cependant Ira Levin, à qui on doit aussi Les Femmes de Stepford et Rosemary's Baby, sait conduire son récit, maîtrisé de bout en bout, se lisant comme un thriller. 
Tout comme 1987 (et le Bikini de diamant, tant qu'on en parle, mais ça n'a aucun rapport), il a fait les frais il y a peu d'une nouvelle traduction.
Pour les amateurs du genre, Un Bonheur insoutenable est un incontournable.

J'ai d'abord tué le chien  (Philippe Laidebeur, 2019)

Un clochard tue un vigile et son chien alors qu'il a été pris en train de voler des planches pour se construire un abri. Ce n'est qu'un début et bientôt de nouveaux morts vont s'ajouter. Un jour il tue un homme qui lui ressemble comme un jumeau et va prendre sa place.

Commencé sur un ton très réaliste, J'ai d'abord tué le chien bascule ensuite dans l'étrange, alors que le mendiant cherche à usurper l'identité de sa victime, ne sachant bientôt plus faire la part entre les différents aspects de sa personnalité. Il y a des passages explicatifs un peu lourd, sur le passé de salaud de sa victime, mais dans l'ensemble c'est tendu et c'est bien fait. L'auteur prend soin de laisser planer son atmosphère sans apporter toutes les réponses, ce qui apporte une saveur toute particulière à son épilogue. Heureusement d'ailleurs car ce qu'il se raconte est du plus haut improbable, une résolution trop claire aurait jeté sur l'ensemble un certain discrédit.
Un premier roman intéressant qui rend curieux de la suite.

La Tempête qui vient (James Ellroy, 2019)

Une coulée de boue met à jour un cercueil, qui serait lié à une affaire de vol de lingots d'or, que beaucoup veulent s'approprier. On est en 1942, et entre les communistes, les fascistes, les flics véreux, les indics et les truands, sur fond d'internement de japonais, c'est le bordel à L.A.

C'est le premier Ellroy que je lis mais ça donne envie d'approfondir. Il y a exactement ce que je m'attendais à y trouver, d'ailleurs je trouve que beaucoup d'éléments rappellent L.A. confidentiel (le film du moins, donc j'imagine, le roman), dont on retrouve certains personnages. Le style est direct, brutal. C'est un joyeux bordel dans lequel on s'oriente grâce aux répétitions dues aux enquêtes parallèles de flics qui ne partagent pas leurs conclusions, parce que chacun a son objectif. C'est justement pour ça que c'est si dense, chaque personnage gravite autour de la même affaire mais chacun a sa raison propre.
C'est un concentré de noirceur que rien ne vient atténuer, et à chaque fois on en redemande, Ellroy a un style magistral, une plongée en apnée dans le glauque et le sordide, où les coups font mal et le sang coule à flots. Même les personnages à priori honnêtes prêtent la main à des machinations, voire les initient, c'est ça où ils disparaissent.
Il y a deux axes, un Mexique dopé au sexe et à la drogue, où les staliniens et les trotskistes s'affrontent pendant que les fascistes comptent les coups, et un L.A. pourri jusqu'à la moëlle, où les flics font régner leur loi à coup de canons sciés pendant que les japonais s'en prennent plein la gueule.

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Envoyé par kakkhara le Jeudi 02 Avril 2020 à 17:35


Bon j'ai du temps pour lire, en ce moment, étonnamment. Alors voilà un pavé qui suit :

Le cycle de Mars, Edgar Rice Burroughs : 
1917 : La Princesse de Mars
1918 : Les Dieux de Mars
1919 : Le Guerrier de Mars
1920 : Thuvia, vierge de Mars
1922 : Echecs sur Mars
1927 : Le Conspirateur de Mars
1930 : Le Combattant de Mars
1935 : Les épées de Mars
1939 : Les Hommes synthétiques de Mars
+ 2 recueils de nouvelles, réunies sous les titres de LLana de Gathol et John Carter de Mars

Ca en fait des livres, mais au final chacun se lit en un jour ou deux. Aujourd'hui ils sont plus valables pour leur aspect historique que pour la qualité. Néanmoins concernant cette dernière ils restent tout à fait lisibles, bien que la structure en soit très répétitive. Cependant un auteur comme Jack Vance, dont on ne niera pas l'importance, ne fait pas autre chose dans ses séries comme l'excellente série des princes-démons.
Au bout d'un moment néanmoins il peut sembler anodin de lire ces récits, où l'héroïsme se mesure au nombre d'ennemis tués, où les femmes se doivent d'être belles et les hommes de les secourir des innombrables dangers qui le guettent. Le tout avec des péripéties dignes d'une bande dessinée tintin, avec ces méchants discourant invariablement de leurs plans tandis que le héros est tapi à deux pas, les oreilles grandes ouvertes.
On se concentrera donc sur l'aspect précurseur, car on peut presque dire que Edgar Rice Burroughs a créé de toutes pièces le space ou fantasy opera tel que conçu maintenant.

En vrac on y trouve: -une caste de guerriers héroïques, pratiquant l'épée dans un monde de pistolets au radium, qu'on appelle jed ou jeddak.
_Une faune et une flore nouvelle, dont les grands singes blancs, l'un d'eux sera le compagnon des aventuriers dans un rôle qui ressemble furieusement à Chewbacca
_Une cape d'invisibilité
_Une guilde des assassins dans le plus pur style sword and sorcery
_Des hommes synthétiques
_ Des zeppelins d'assaut marchant au radium
Et bien d'autres choses devenues depuis des lieux communs. Si autant d'auteurs ont rendu hommage à Edgar Rice Burroughs, de Ray Bradbury à Kim Stanley Robinson, pour rester entre martiens, c'est que son univers a rayonné de manière plus ou moins diffuse dans tout un pan de l'âge d'or de la science-fantasy, et continue à le faire.

Tereza Batista (Jorge Amado, 1974)

La jeune Tereza Batista, onze ans à peine, est vendue au terrible capitao, qui abusera d'elle sexuellement. Mais l jeune fille, poussée par une rage de vivre, ne se laissera pas faire.

Quel portrait! Mêlant rage, humour, exotisme, romance, chronique sociale, fantastique même sans distinction, Jorge Amado est un formidable conteur, qui se place sous le signe de la romance populaire. Avec ses personnages superbement mis en scène, ses péripéties innombrables culminant en une drolatique et féroce grève des prostituées, Amado nous enchante au coeur d'un Brésil du nord, loin des grands centres touristiques, un Brésil pauvre et exploité, mais chaud et joyeux, et surtout méconnu.
Il y a des romans qui d'emblée acquièrent la stature de classique, Tereza Batista, par son tourbillon de vie à l'opposé même du misérabilisme malgré son récit sordide, par son érotisme constant, en est un.

Les Vaisseaux du temps (Stephen Baxter, 1995)

Le voyageur temporel est revenu pour conter son histoire mais il se languit de l'avenir et de la douce Weena, l'éloï. Il repart bientôt mais s'aperçoit que le futur diverge, et dans la route qu'il emprunte maintenant, les morlocks sont devenu une race ultra développée. L'un d'eux, Nebogipfel, va l'accompagner sur les routes du temps.

Stephen Baxter qui reprend le livre de H.G. Wells, et qui s'amuse visiblement, maniant l'uchronie, offrant des visions d'un futur lointain et remontant à la source de l'univers, en passant par une escale dans le paléocène, au fil d'un récit plein de rebondissements. Le tout sous la forme d'un deuxième manuscrit du même voyageur temporel. Vibrant hommage à H.G Wells en même temps que récit d'aventure trépidant, voilà de quoi passer de très bons moments.

L'échelle de Darwin/Les enfants de Darwin (Greg Bear, 1999/2002)

Shiva, une nouvelle maladie, atteint rapidement le statut de pandémie, provoquant des fausses couches aux femmes enceintes et répandant la panique. Mais certains défendent l'idée que ce n'est pas tant une maladie que la prochaine phase de l'évolution humaine.

Diptyque ambitieux qui tente d'imaginer quel sera le prochain chaînon de l'homme, et comment il sera accueilli. Le deuxième tome notamment, tombant dans le thriller, décrivant la vie des enfants de Shiva dans des camps où ils sont étudiés sans aucun égards, est assez réussi.
Il y a beaucoup de bon dans ces livres, qui font partie de la branche prospective de la science-fiction, avec son corollaire de descriptions scientifiques, ici médicales. Le combat pour la vie de ces enfants indésirables, sévèrement réprimés, le parcours du combattant des parents et de ceux qui agitent en vain l'étendard des droits de l'homme, parabole évidente.
En revanche l'aspect thriller apparaît à côté comme vraiment naïf, avec des pouvoir gouvernementaux ni très affolant ni très efficaces. Les meilleures parties sont vraiment celles avec les enfants parqués, sujets de laboratoire.

Les falsificateurs/ Les éclaireurs/ Les Producteurs (Antoine Bello, 2007/2009/2015)

Le CFR (Consortium de falsification du réel), a pour but d'arranger la réalité. Même ses agents ignorent la raison finale, mais ils s'amusent à promulguer des scénarios, ensuite à falsifier diverses sources pour les appuyer. Ainsi l'histoire n'est peut-être pas ce que vous croyez.

On pense bien sûr à ces livres issus de théories du complot, qui font de superbes histoires. En revanche ce cycle sur le CFR n'a pas la qualité d'un Cimetière de Prague ou d'un quatuor de Jérusalem, loin s'en faut. La faute à des personnages peu intéressants, en grande partie.
Néanmoins, on peut se laisser porter par l'histoire, si on oublie ce qu'elle a de naïf, parce que c'est justement ça qui est au coeur de l'oeuvre, le plaisir de raconter des histoires bien ficelées, à l'instar de ce personnage qui apparaît à la fin du troisième tome, roi des nanars hollywoodiens.
L'autre aspect, concernant la falsification, est au coeur de l'oeuvre d'Antoine Bello, comme en témoignent également L'Homme qui s'envola, et les très réussis Ada et Scherbius et moi, tous deux bien plus intéressants que ce cycle en question, et que je conseille. Mais les deux aspects se rejoignent, car une fiction est avant tout une falsification du réel et les scénaristes du CFR ne vibrent rien tant que devant une bonne histoire.
Et une bonne histoire, le CFR en reste une, bien qu'elle soit bancale.

La Grâce des rois/Le Mur des tempêtes (Ken Liu, 2015/2016)
note : le deuxième livre a été traduit en deux volets, Le Goût de la victoire/ Le mur des tempêtes, mais doit être pris comme un seul volume tant la séparation n'a aucun sens.

Dara ploie sous le joug de l'empereur Mapidéré, mais la rébellion gronde, bientôt portée par deux figures emblématiques, l'escroc au grand coeur Kuni Garu et le héros intransigeant Mata Zyndu.

On savait déjà quel talent Ken Liu déploie dans la forme courte. Maintenant il prouve qu'il est autant à l'aise dans la forme longue. Faisant feu de tout bois, des trois royaumes aux invasions mongoles en passant par la sagesse confucéenne, il redéploie l'imaginaire de son pays d'origine en le confrontant aux grandes fresques de fantasy. Cela donne une espèce de Game of thrones, mais infiniment mieux tourné et rythmé. Il devrait y avoir un troisième volet, mais il n'est pas encore sorti aux états-unis, et comme le dernier volume actuel vient de sortir début 2020 en France, il va falloir être patient.
Ce n'est pas par l'originalité que se démarque la saga de Ken Liu. On retrouve les ingrédients habituels, galvaudés dans de mauvaises séries comme Honor Harrington ou Traquemort, mais sublimés par l'écriture, le rythme et l'écriture des personnages. C'est une fantasy qui doit plus à L'Epée brisée qu'au Seigneur des anneaux, pour se référer aux textes fondateurs. Ou aux trois royaumes, en l'occurrence.
Il a le don, rare, d'aller à l'essentiel, ce qui fait que malgré la taille des livres, on y est happé comme dans un tourbillon. C'est tout simplement ce qu'il y a de mieux en fantasy opera actuellement.

Le Peintre dévorant la femme  (Kamel Daoud, 2019)

Un essai sur Picasso, après une nuit passée en tête à tête avec ses toiles dans le musée Picasso. Ce qui en fait l'intérêt principal, c'est que l'auteur ne s'efface pas au profit de son sujet. On colore toujours une analyse selon ce qu'on est, mais là c'est carrément un dialogue qui s'installe, une réflexion sur le rapport orient/occident, sur la place de la femme et sur l'érotisme, ainsi que sur d'autres sujets. Kamel Daoud a une pensée puissante, et il l'exprime en écrivant très bien.

Un Monstre et un Chaos (Hubert Haddad, 2019)

Dans le ghetto de Lodz, Chaïm Rumkowski prétend sauver les siens en les faisant travailler pour le reich.

Dans l'idée, Un Monstre et un Chaos, c'est La Liste de Schindler débarrassé de ses bons sentiments. Chaïm Rumkowski se prend vraiment pour un sauveur et sans doute a-t-il épargné la mort à pas mal de ses compatriotes, mais à quel prix? Devenu agent à la botte des nazis, il participe à la répression, pour sauver la majorité en sacrifiant une minorité. Et dans la foulée, il devient un potentat, assurant son confort au détriment de ses camarades. C'est un portrait subtil que dresse Hubert Haddad, dressant son tableau à partir d'un orphelin rétif qui rêve de devenir marionnettiste pour faire revivre son jumeau mort, entre onirisme et réalité. Très beau texte, où on retrouve l'exubérance d'une certaine littérature juive, on pense à Isaac Bashevis Singer, rien de moins.

Girl (Edna O'Brien, 2019)

On vit le calvaire d'une jeune fille, enlevée dans son lycée par Boko Haram. Elle parvient à s'enfuir, mais c'est pour se retrouver ostracisée par les siens.

Un livre étonnant. Le rythme, haché, est celui de la fièvre et du cauchemar, on ne sait plus vraiment ce qui arrive et ce qui n'arrive pas, alors que la jeune fille traverse un cauchemar sans perdre sa résilience. Refusant tout exotisme facile sans tomber pour autant dans le sordide misérabilisme, grâce à une héroïne formidable et à quelques instants de grâce, courtes rémissions, Girl est un grand roman sur le courage face aux épreuves, sur l'envie de vivre, mais aussi sur un Nigéria déchiré entre la peur et la haine, aux élites tournées vers l'occident et au peuple tourné vers les traditions, toujours en guerre civile. Ainsi la jeune fille, déchirée dans sa chair, tourmentée par son enfant qu'elle est "trop jeune pour avoir" mais qu'elle aime malgré tout, cet enfant rejeté parce qu'impur, devient l'image de son pays autant violenté par le gouvernement (violence larvée), que par les terroristes (violence brute). Un roman important.

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gedat

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Envoyé par gedat le Dimanche 20 Décembre 2020 à 06:48


Je viens de retrouver quelque chose que j'avais ecrit, ailleurs, sur Le Probleme a Trois Corps de Cixin Liu. (Desole pour l'anglais -- je peux traduire au besoin si ca interesse quelqu'un).


It's been 48 hours since I've finished Liu Cixin's "Three Body" sci-fi trilogy, and it suddenly dawned on me why I like the book so much. Here's a thread about why you should read it.

Science-fiction traditionally follows a "what-if?" or "what-when?" model: we start from a premise about a way the world could or will be, and watch the consequences unfold. A few examples:

-What if it was hard to tell robots from humans? (Blade Runner)
-What if Nazis had won WW2? (Man in the High Castle)
-What will happen when genetic tests become cheap enough? (Gattaca)
-What if there was a global social credit system? (Nosedive episode of Black Mirror)

Under this traditional model, a sci-fi work is like a computer simulation that a scientist would run to better understand what would happen if we set a few parameters of the world to a new set of values.

On the surface, "Three Body" follows this model: humanity is faced with an unprecedented threat, and we explore the consequences. How the new threat changes geopolitics, ethics, technology. Which strategies humans come up with to face the threat. Etc.

And it does a great job doing that. The premise of the book (which I won't spoil here because it is only revealed halfway through the first volume) is fascinating, and it is very fun to explore all the consequences.

But "Three Body" is much more than a "what-if" simulation. At its core, it is a simulator of the thrill of scientific discovery.

When you were a kid you were taught that the Earth revolves around the Sun. But you never got the chance to figure it out yourself. What wouldn't you give to experience what it must have been like to be Copernicus? Get to realize the power of such a counter-intuitive idea?

Think of the paradigm shift that you went through when reading about Selfish Gene theory for the first time. How getting a new perspective on the same phenomena caused everything to suddenly make sense. Wouldn't it be nice to experience that again?

"Three Body" is a simulator of this kind of experiences. If takes characters (and the reader) on a path where they slowly accumulate evidence which result in dramatic paradigm shifts, where puzzling or seemingly random things about the world suddenly make sense.

For instance, at some point you get to be on a planet whose system of planetary motion seems completely random. You are in the character's shoes as he tries to figure things out. You feel what it is like to be Copernicus.

The books contain narrative arcs, but are mostly organized around "theory arcs" where the author plants the seeds of an idea in your mind, and takes you on a journey toward realizing the full implications.

The third book, in this respect, is a masterpiece, pursuing an analogy between cosmology and geology to its (terrifying) logical conclusion, with truly poetic moments along the way.

Yet it never feels like a bland series of puzzles. The story is always gripping, and the book paints an eery, almost Lovecraftian, picture of humanity's place in the cosmos.

The Kuhnian aspect of theory change is not missing: the journey through discovery is not purely intellectual: characters sometimes have to commit mass murder to push for their own intellectual agendas, smuggle ideas in the form of fairy tales, etc.

Some people classify "Three Body" as hard sci-fi, but this is misguided. Hard sci-fi is motivated by a concern for scientific accuracy, but the book often makes very liberal use of scientific concepts (e.g. quantum entanglement really does not work that way).

The trilogy lacks in scientific rigor, and many will find holes in the plot or in the theories it puts forward, but it comes closer than most sci-fi to capturing this essential aspect of science: the beauty of discovery.


Borislehachoir

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Envoyé par Borislehachoir le Dimanche 20 Décembre 2020 à 13:56


Rigolo que tu remontes ça : de manière fortuite je viens de me procurer l'ensemble du cycle de mars dont parlait kakkhara.

Ca me ferait plaisir de parler de bouquins ici mais on est vraiment trop peu nombreux pour faire vivre un topic comme ca.

Boris, kakkhara, si tu passes en coup de vent y a moyen que tu nous fasses un petit coucou ?

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NorthNikko

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Envoyé par NorthNikko le Dimanche 20 Décembre 2020 à 14:06


Moi j'ai fini le cycle "Le passe-miroir" de l'auteure française Christelle Dabos. Je suis pas aussi doué que vous pour parler de livres, aussi je me contenterai de dire que j'ai beaucoup apprécié cette quadrilogie fantastique, qui se passe dans un monde d'îles volantes un peu steampunk (je sais qu'en disant ça j'en fais déjà fuir certains ).
Ca se rapproche dans l'idée de His Dark Materials (à la croisée des mondes) de Philip Pullman dans la dynamique de la métaphysique du divin et de sa chute, peut-être à destination d'un public un peu plus âgé. J'ai apprécié l'écriture (ça fait du bien de lire un roman écrit en français et pas une traduction de l'anglais, aussi bonne soit-elle) et, signe d'un roman plutôt réussi selon moi, ai été plutôt surpris par plusieurs dénouements d'intrigues ainsi que par la fin. C'est une belle découverte de l'année pour moi qui aime les univers fantastiques.

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Guilty.

kakkhara

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Envoyé par kakkhara le Jeudi 24 Décembre 2020 à 18:19


Boris, kakkhara, si tu passes en coup de vent y a moyen que tu nous fasses un petit coucou ?


coucou

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"_Je joue attirance mortelle sur mon pisteur invisible et je t'attaque avec.
_ouais, j'ai pris 1
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kakkhara

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Envoyé par kakkhara le Jeudi 24 Décembre 2020 à 18:26


La trilogie de Liu Cixin c'était bien, y a pas à dire. Pour ma part j'ai trouvé que la "masterpiece", c'était le deuxième volet, même si je suppose qu'on peut trouver le troisième plus ambitieux. D'un point de vue scientifique, je ne sais pas, je m'y connais autant en science que Trump en réformes sociales, à savoir je sais que ça existe mais je ne m'y suis jamais intéressé particulièrement.

en fait j'ai énormément lu ces derniers temps, mais j'avais un peu l'impression de poster seul ici, c'est pour ça que je n'ai pas continué. Si vous voulez un topo de ce sur quoi je suis tombé d'intéressant, tant en classique qu'en nouveauté, je peux vous concocter ça.

Pour ma part dans les prochains achats livresques prévus, Le cinéma américain des années 70 est en bonne place.

d'îles volantes un peu steampunk (je sais qu'en disant ça j'en fais déjà fuir certains  ).


[EDIT] C'est intéressant car tu as raison, la science-fiction et la fantasy restent les plus galvaudés des genres littéraires, probablement, mais ceux qui fuiront à la simple mention de steampunk, pour beaucoup, loueront les oeuvres de Miyazaki qui sont, pour certaines, clairement orientées steampunk.

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Borislehachoir

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Envoyé par Borislehachoir le Vendredi 25 Décembre 2020 à 12:51


Salut K.

Perso je participe pas trop à ce topic bicauz je pense que mes lectures intéressent pas trop les gens en fait. Je comprends ton sentiment surtout que j'ai un peu éprouvé la même chose par rapport au topic cinéma.

Le cinéma américain des années 70 je l'ai lu et j'ai du mettre de côté le fait que Thoret est un critique qui m'a parfois bien énervé. Mais l'avantage de ce livre là c'est qu'il reste dans sa spécialité ce qui permet d'éviter ses parallélismes douteux et ses corrélations foireuses habituelles. Je suis content qu'il mette en lumière certains films pas très connus comme The Nickel Ride par exemple et c'est à ma connaissance le meilleur panorama sur cette période de cinema. En ce qui me concerne, c'est un indispensable.


Je voulais surtout réagir à ce que tu as dit sur le steampunk et Miyazaki. De manière plus générale il me semble que comme pour beaucoup de goûts d'élitistes autoproclamés tout est question d'étiquette. Des tas de gens diront que la SF est un sous-genre littéraire mais applaudiront les Particules Élémentaires de Houellebecq ; le fantastique sera un aimable divertissement pour des gens qui par contre considèrent la Métamorphose comme un absolu chef d'oeuvre et je passe sur des gars m'expliquant très sérieusement que Crime et chatiment ou les Miserables ne sont pas des polars et que ça n'a strictement rien à voir.


Je me suis récemment embrouillé sur tweeter avec un prof de lettres en fac qui chiait sur la paralittérature avant de me dire en gros " c'est pas parce que y a quelques grands auteurs comme Jean-Christophe Grange que 99% du reste n'est pas de la merde ". Ca m'a bien fait marrer parce que pour être un énorme lecteur de polars j'en ai pas lu beaucoup d'aussi flingués que les bouquins de Grange. Il m'a malheureusement bloqué avant que j'ai l'occasion de lui demander qui étaient les mediocres face à Grange mais je suis quasiment certain que ce pauvre con a lu 5 polars dans sa vie et recrache bêtement ce que des gens lui ont dit de penser. C'est un peu, K, ce que je pouvais te reprocher de façon plus mineure quand tu avais dit ici que la SF française était quasi moribonde entre Verne et Barjavel alors qu'au contraire c'est un vivier à auteurs oubliés (Maurice Renard, Jacques Spitz, Theo Varlet, HJ Magog, Charles de Richter et j'en passe) dont parlent très bien Versins ou Van Herp par exemple mais qui sont souvent occultés de l'histoire " officielle " de la SF.

Là actuellement j'ai un peu délaissé mes obsessions polareuses habituelles pour repartir côté fantastique et SF (malgré un gros choc polar : La couronne de cuivre d'Ira Levin, à la construction brillante et inédite). Mes decouvertes récentes principales sont le formidable Ecailles de John Farris, et l'excellent Toplin de Michael Macdowell.

Je me coltine plein de bouquins édités dans des collections un peu cheap, j'ai attaqué les auteurs de la collection " Angoisse " des annees 50 comme Benoit Becker et Kurt Steiner. C'est peut-etre de la sous-litterature, mais je m'en branle. Je me cogne des leçons données par des pseudo-specialistes qui recrachent leur doxa sans avoir jamais feuilleté une série noire ou un Anticipation. Je suis bien dans mon monde.

Boris.

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kakkhara

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Envoyé par kakkhara le Vendredi 25 Décembre 2020 à 18:23


Je me coltine plein de bouquins édités dans des collections un peu cheap, j'ai attaqué les auteurs de la collection " Angoisse " des annees 50 comme Benoit Becker et Kurt Steiner. C'est peut-etre de la sous-litterature, mais je m'en branle. Je me cogne des leçons données par des pseudo-specialistes qui recrachent leur doxa sans avoir jamais feuilleté une série noire ou un Anticipation. Je suis bien dans mon monde.


Quand tu vois que c'est dans ce genre de collections qu'on a pu découvrir Ira Levin, Robert Sheckley, Thomas Dish, tu te dis, malgré la pauvreté des traductions, que finalement elles sont vachement bien. D'ailleurs certaines traditions d'éditions plus appréciées, comme la collection Bouquins, ne sont pas forcément meilleures.

Cette "sous-littérature", dans le pire des cas, a multiplié les concepts qui ont fait naître des oeuvres plus ambitieuses, et dans le meilleur des cas, vaut bien les ouvrages encensés par les bien pensants. A noter que lorsqu'on lit un bouquin dans ces collections là, on lit un polar, de la SF, ou un western (prononcer avec un ton désobligeant). Tandis que quand on lit 20000 lieues sous les mers, on lit du Jules Verne (prononcer avec respect, en martelant les majuscules). De la même manière, la fantasy et sa cohorte de créatures merveilleuses seront regroupées dédaigneusement dans une catégorie honteuse, tandis qu'on continuera à porter aux nues (certes avec raison, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit), Micromegas et Pantagruel.

Après, l'une des raisons justement, n'est-elle pas l'apparence de l'édition? Beaucoup jugent, quoiqu'ils en disent, un livre à sa couverture. Dans un premier temps, les auteurs de science-fiction par exemple étaient des auteurs reconnus, comme Rosny aîné de l'académie goncourt, par exemple. J'imagine que la prolifération d'écrits dans les pulps, suivis d'éditions cheap aux traductions boiteuses pour la plus grande part de la SF américaine, ont rebuté un lectorat convaincu de sa supériorité intellectuelle.
La critique bien sûr a eu son rôle à jouer, en critiquant les oeuvres, parfois en dépit du bon sens. Van Herp, si ma mémoire est bonne, cite le cas d'un critique disant d'Asimov qu'il utilisait à tort et à travers une pseudo philosophie aristotélicienne, ou quelque chose de cet acabit. Ce critique aurait au moins dû vérifier le nom de l'auteur du non-A avant de valider sa critique.

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Theris

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Envoyé par Theris le Samedi 26 Décembre 2020 à 09:07


Le 25/12/2020 à 12:51, Borislehachoir avait écrit ...
Je me suis récemment embrouillé sur tweeter avec un prof de lettres en fac qui chiait sur la paralittérature avant de me dire en gros " c'est pas parce que y a quelques grands auteurs comme Jean-Christophe Grange que 99% du reste n'est pas de la merde ".

C'est une remarque un peu bizarre tout de même : c'est un adage assez bien connu que "90% de tout, c'est de la merde". Peu importe le genre ou le type d'activité que tu cherches, pour la perle rare que tout le monde met en avant ou que tu dois découvrir par toi-même, tu vas retrouver des tonnes d'auteurs qui ne savent pas du tout ce qu'ils font. Bon après la littérature c'est pas mon truc, donc peut-être qu'il y a des genres qui font du gatekeeping tellement fort que seuls quelques auteurs ont le droit de se prétendre écrivains, mais j'en doute.

Perso la dernière série de bouquins que j'ai lus, c'est tout bêtement A Song of Fire and Ice. Techniquement sympa, et le monde est franchement bien décrit, mais même avec tous les critiques qui affirment que c'est une célébration du romantisme sous la forme de "Même si l'honneur et la bonté ne garantissent pas ta survie ou ton bonheur, elles restent des valeurs qui doivent être défendues", c'est assez dur de voir comment l'humanité est censée survivre ce qui va venir dans les prochains bouquins.

Il faudrait sans doute que je lise un peu plus de livres de fantasy de mon côté, puisque j'ai dans ma tête une idée de worldbuilding et j'aimerais bien pouvoir écrire une histoire dessus, mais je n'arrive pas à trouver une bonne idée, c'est assez frustrant...

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Borislehachoir

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Envoyé par Borislehachoir le Samedi 26 Décembre 2020 à 12:47


@Theris : on est d'accord, c'est tout bidon comme argument. Mais le mec était un abruti. Il parlait de littérature polonaise à un moment (pour ceux qui ne me connaissent par IRL, je suis polak) et de Witkiewicz ; le bouquin le plus connu de Witkiewicz, l'Inassouvissement, c'est complètement de la SF... Mais comme disait K c'est connoté " grand auteur " donc ça compte pas. C'est de la grosse merde (pas Witkiewicz, l'argument).

@kakkhara : pour le coup Bouquins, qui est une collection que je connais bien, a pas vraiment fait sa réputation sur les traductions mais sur le travail éditorialiste complètement dingue de Francis Lacassin qui a énormément œuvré à mettre en lumière ses auteurs fétiches (Maurice Leblanc, Stevenson, Léo Mallet, Gustave Lerouge...). Par contre les pires traductions je pense que c'est la Série Noire de Marcel Duhamel qui a le prix : y a des chapitres entiers qui ont disparu (par exemple dans " Dans les plumes " de John D Macdonald) et ils coupaient comme des malades pour réduire à 250 pages.

Angoisse n'a pas ce problème de trads parce que contrairement à ce que peut penser le néophyte 99 % du catalogue a été écrit en français. Benoit Becker, c'est Jean-Claude Carrière, Marc Agapit c'est Adrien Lima et Kurt Steiner est un pseudo d'André Ruellan. Le seul contre-exemple que je connais est Evangeline Whalton qui semble bien anglaise mais pour le reste c'est que du franco-français.

Pour les français de la SF faut pas oublier un truc : beaucoup sont des déçus ou des exclus de la littérature " généraliste ", d'autres sont des ingénieurs qui écrivaient entre deux travaux bref la SF est rarement une vocation à l'époque en France, plus un plan B. Un exemple c'est Jean de la Hire qui se voulait académicien mais ne vendait que quand il faisait des aventures du Nyctalope.
Chez les ricains les mecs qui publiaient chez Weird Tales en vivaient, ou du moins en vivotaient. Y a eu très rapidement une sorte d'industrialisation de la SF américaine avec par exemple tout plein d'Epigones à Lovecraft ou à Robert Howard. Je pense qu'ils ont pris le domaine au sérieux éditorialement parlant beaucoup plus vite : suffit de voir l'implication très fort d'éditeurs comme Campbell (qui a fait découvrir les lois de la robotique à Asimov), Derleth, Carter etc.

Pour les éditions je pense que les pires, visuellement, c'est quand même Pocket. Qui de censé peut vouloir acheter ça ?

https://images.noosfere.org/couv/p/pocket09038-1991.jpg

Mais y a des très bonnes choses là-dedans. Mais j'ai jamais vu un Pocket dans la bibliothèque d'un snob, ça fait clairement trop " gare ". Moi je m'en fous un peu, mais du coup, depuis que j'ai remarqué aussi que les gens s'attachaient plus au prestige attaché à une œuvre qu'à l'œuvre à proprement parler, je me suis un peu auto-isolé et c'est ce qui fait que je ne fréquente aucun cinéphile à part Crutch et personne qui lit vraiment la même littérature que moi. Et je le vis relativement bien. Team solitaire representz.

Boris.

 

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